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SONNETS.

laisse-le passer immaculé dans ton cours, comme un type de beauté pour les générations futures.

Mais non ! acharne-toi, vieux Temps : en dépit de tes injures, mon amour vivra dans mes vers à jamais jeune !


*

CXL

Comme les vagues se jettent sur les galets de la plage, nos minutes se précipitent vers leur fin, chacune prenant la place de celle qui la précédait ; et toutes se pressent en avant dans une pénible procession.

La nativité, une fois dans les flots de la lumière, monte jusqu’à la maturité et s’y couronne. Alors les éclipses tortueuses s’acharnent contre sa splendeur, et le temps détruit les dons dont il l’avait comblée.

Le temps balafre la fleur de la jeunesse, et creuse les parallèles sur le front de la beauté : il ronge les merveilles les plus pures de la création, et rien ne reste debout que sa faux ne tranche.

Et pourtant dans l’avenir mon vers restera debout, chantant tes louanges, en dépit de sa main cruelle.

CXLI

Tu peux voir en moi ce temps de l’année où il ne pend plus que quelques rares feuilles jaunes aux branches qui tremblent sous le souffle de l’hiver, orchestres nus et ruinés où chantaient naguère les doux oiseaux.