Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
SONNETS.

raient dans un vertueux désir de vivantes fleurs plus semblables à vous que votre portrait peint.

Ainsi revivrait dans de vivants contours votre personne, que ni le crayon éphémère ni ma plume écolière ne peuvent faire vivre aux yeux des hommes dans sa perfection intérieure et ses grâces extérieures.

Vous épancher au dehors, c’est vous conserver à jamais ; et vous vivrez nécessairement dans un doux portrait fait par vous-même.

CXXXVII

Qui croira mon vers dans les temps à venir, si je le remplis de vos mérites transcendants ? Il n’est pourtant, le ciel le sait ! qu’un tombeau qui cache votre vie, et ne montre pas la moitié de vos qualités.

Si je pouvais écrire la beauté de vos yeux et dénombrer toutes vos grâces en nombres immortels, l’avenir dirait : « Ce poëte ment, des touches si célestes n’ont jamais touché de terrestres visages. »

Ainsi on se moquerait de mes papiers, jaunis par l’âge, comme de vieillards plus bavards que véridiques ; et la justice à vous rendue passerait pour furie poétique, et pour le refrain exagéré d’une antique chanson.

Tandis que, si vous aviez un enfant vivant alors, vous vivriez doublement, en lui et dans mes rimes.