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SCÈNE II.

tre eux (4), — étaient comme sept vases pleins de son sang sacré, — comme sept beaux rameaux issus d’une même souche. — Plusieurs de ces vases ont été vidés par le cours de la nature, — plusieurs de ces rameaux ont été coupés par la destinée. — Mais Thomas, mon cher seigneur, ma vie, mon Glocester, — ce vase plein du sang sacré d’Édouard, — ce florissant rameau de la plus royale souche, — a été brisé (et toute la précieuse liqueur a été répandue), — a été haché (et les feuilles de son été ont été toutes flétries), — par la main de l’envie, par le couperet sanglant du meurtre ! — Ah ! Jean de Gand ! son sang était le tien ; le lit, la matrice, — la fougue, le moule qui t’ont formé, — l’ont fait homme ; et tu as beau vivre et respirer, — tu es tué en lui. C’est acquiescer — dans une large mesure à la mort de ton père — que laisser ainsi périr ton malheureux frère, — qui était la vivante image de ton père. — N’appelle pas cela patience, Gand, c’est désespoir : — souffrir que ton frère soit ainsi assassiné, — c’est frayer l’accès de ton cœur sans défense — à la tuerie farouche et lui apprendre à l’égorger. — Ce que nous appelons patience chez les gens vulgaires — n’est que pâle et blême couardise dans de nobles poitrines. — Que te dirai-je ? Pour sauvegarder ta propre vie, — le meilleur moyen, c’est de venger la mort de mon Glocester.

jean de gand.

— Cette querelle est celle de Dieu ; car c’est le représentant de Dieu, — l’oint du Seigneur, sacré sous ses yeux mêmes, — qui a causé cette mort ; si ce fut un crime, — que le ciel en tire vengeance ; car je ne pourrai jamais lever — un bras irrité contre son ministre.

la duchesse.

— À qui donc, hélas ! pourrai-je me plaindre ?

jean de gand.

— À Dieu, le champion et le défenseur de la veuve.