Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
490
RICHARD II ET HENRY IV.

bre pour réconforter votre âme mélancolique ; j’ai cru alors, Dieu m’est témoin, que vous ne pouviez en revenir et que vous étiez mort. Que pouvais-je faire, sinon me lamenter avec larmes sur votre mort, ô mon père ? Et sur ce, voyant la couronne, je l’ai prise. Et, dites-moi, mon père, qui mieux que moi pourrait la prendre après votre mort ? Mais puisque je vous retrouve vivant, je la remets très-humblement aux mains de Votre Majesté ; et je suis le plus heureux des hommes, que mon père vive ! Et vive à jamais mon seigneur et père !

henry iv.

Relève-toi, mon fils, ta réponse sonne bien à mon oreille. Car je dois confesser que j’étais dans un profond sommeil et tout à fait inconscient de ta venue. Mais approche, mon fils, et je vais de mon vivant te mettre en possession de la couronne, afin que nul ne t’en prive après ma mort.

henry v.

Je puis bien l’accepter des mains de Votre Majesté ; mais elle ne touchera jamais ma tête, tant que mon père sera vivant.

Il prend la couronne.
henry iv.

Dieu te maintienne en joie, mon fils ! Dieu te bénisse et te fasse son serviteur, et t’accorde un règne prospère ! Car Dieu sait, mon fils, avec quelle difficulté j’ai obtenu la couronne, avec quelle difficulté je l’ai conservée.

henry v.

Peu m’importe de quelle manière vous l’avez obtenue. C’est de vous que je la tiens, et de vous je veux la garder. Que celui qui voudrait l’ôter de ma tête ait soin d’avoir une armure plus épaisse que la mienne ; sinon je lui percerai le cœur, fût-il plus dur que le cuivre et le bronze.

henry iv.

Noble langage et digne d’un roi ! ah ! croyez-moi, milords, mon fils sera, j’en ai peur, le prince le plus martial et le plus victorieux qui ait jamais régné sur l’Angleterre.

les deux lords.

Sa vie passée n’annonce pas moins.

henry iv.

Allons, milords, je ne sais si c’est le sommeil ou l’approche de l’assoupissement de la mort, mais je me sens grande envie de dormir. Ainsi, mes bons lords, mon fils, tirez les rideaux, quittez ma chambre et faites bercer mon sommeil par la musique.

Tous sortent. Le roi expire.

(81) « Dans la quatorzième et dernière année du règne du roi Henry, un conseil fut tenu dans Whitefriars, à Londres, auquel il fut résolu de construire et d’équiper des navires et des galères pour un voyage que le roi voulait faire en Terre Sainte afin de recouvrer la cité de Jérusalem sur les infidèles. Le lendemain de la Chandeleur commença un Parlement qu’il avait convoqué à Londres, mais il trépassa avant que ce même Parlement eût fini sa session. Car alors