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INTRODUCTION.

n’offrez pas à ce qui n’est que chair et que sang l’hommage d’une vénération dérisoire ! Jetez de ce côté le respect, la tradition, l’étiquette et la déférence cérémonieuse ; car vous vous êtes mépris sur moi jusqu’ici. Comme vous, je vis de pain, je sens le besoin, j’éprouve la douleur et j’ai besoin d’amis… Ainsi asservi, comment pouvez-vous dire que je suis roi ?

Sublime démenti jeté par le poëte à l’idolâtrie royaliste. Prodigieux renversement de la divinité monarchique. Oui, vous vous êtes mépris jusqu’ici ! Ce prince que vous adorez est fait, comme vous tous, de chair et de sang ; ce prince que vous déifiez est sujet, comme vous tous, à la faiblesse, au besoin, à la douleur, à la mort. Ce souverain est un esclave. Le roi n’est qu’un homme. Loin de lui « l’hommage d’une vénération dérisoire ! » Arrière « la déférence cérémonieuse ! » À bas le faux dieu !

Donc, Richard a fait l’aveu que la destinée réclamait de lui. Il en convient, dominé par l’évidence : il n’est plus qu’un homme. Il ne saurait se prévaloir contre ses adversaires d’une puissance surhumaine. Le ciel, qu’il appelait à la rescousse, est resté immuable. Le roi a eu beau convoquer les légions d’en haut ; elles n’ont pas bougé. Mais, si les forces divines lui font défaut, il peut encore compter sur les forces terrestres. Il peut encore tenir une épée, se mettre à la tête de l’armée qui lui reste, combattre et essayer de vaincre. Le roi est un homme, soit ! mais l’homme peut sauver le roi :

— Arrogant Bolingbroke, je vais échanger les coups avec toi dans une journée décisive… Cet accès de frayeur est dissipé… C’est une tâche aisée que de conquérir ce qui est à nous… Dis-moi, Scroop, où est mon oncle avec ses forces ?

Inutile velléité. Richard n’a même plus, pour sauver