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HENRY IV.

vassaux — qui s’agenouillent devant elle avec une respectueuse terreur !

le roi.

Ô mon fils, — c’est le ciel qui t’a inspiré l’idée de la prendre, — pour que tu pusses mieux gagner l’affection de ton père, — en t’excusant avec tant de sagesse (79) ! — Approche, Harry, assieds-toi près de mon lit, — et écoute mes conseils, les derniers, je crois, — que jamais je murmurerai. Dieu sait, mon fils, — par quels sentiers, par quelles voies indirectes et tortueuses — j’ai atteint cette couronne ; et je sais bien moi-même — avec quelle peine elle s’est fixée sur ma tête ; — sur la tienne elle descendra plus paisible, — plus respectée, plus affermie ; — car le stigmate de son acquisition va disparaître — avec moi dans la terre. Elle n’apparaissait sur moi — que comme un insigne arraché d’une main violente ; — et j’étais entouré de vivants qui me rappelaient hautement — que je la devais à leur concours. — De là des querelles quotidiennes, et les sanglants — déchirements d’une paix illusoire ! Toutes ces menaces insolentes, — tu as vu avec quel risque je les ai bravées ; — car mon règne n’a été que la mise en scène — de ce débat. Mais maintenant ma mort — change la situation. Ce qui en moi était une acquisition équivoque — te revient par une voie plus droite : — car tu obtiens le diadème par succession. — Pourtant, bien que tu sois plus solidement établi que je ne pouvais l’être, — tu n’es pas encore assez affermi en présence de tant de griefs encore vivaces. — Tous mes amis, dont tu dois faire tes amis, — n’ont perdu que depuis peu leurs griffes et leurs dents. — Élevé primitivement par leur terrible assistance, — j’ai dû craindre d’être renversé — par leur pouvoir ; pour prévenir ce danger, — j’ai anéanti les uns, et j’avais le projet — de mener les autres à la Terre-Sainte, — de peur que le