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LA PATRIE.

le procès de la majesté royale fait par la majesté divine : le roi accusé, condamné et châtié par Jéhovah : ce qu’il y a de plus haut sur la terre, le trône, frappé par le ciel.

À peine Glocester a-t-il expiré qu’un incident surgit. Bolingbroke, fils de Jean de Gand, provoque en duel le duc de Norfolk, celui-là même qui présidait au guet-apens : ne pouvant atteindre le roi, le prince s’en prend au ministre. Il accuse le maréchal du meurtre de Glocester et, selon la coutume féodale, il le somme de se justifier par l’épreuve solennelle du combat judiciaire : « C’est toi, Norfolk, qui as fait ruisseler cette âme innocente dans des torrents de sang. Ce sang, comme celui d’Abel, crie du fond de la terre ; il réclame de moi justice et rude châtiment. Et, par la glorieuse noblesse de ma naissance, ce bras le vengera ou j’y perdrai cette vie. » Norfolk relève le gant et accepte le cartel… — Voici le jour fixé pour le combat. Figurons-nous la splendide mise en scène indiquée par la chronique. La lice a été dressée dans la plaine de Gosford-Green, près de Coventry. Les bannières flottent au vent, les rois d’armes sont à leur poste. Les gardes ont peine à repousser la foule accourue de toutes les parties du royaume. Une longue fanfare annonce l’arrivée de Richard II qui, comme juge du camp, va s’asseoir sur une estrade, élevée au-dessus du champ clos. Les grands feudataires, ayant à leur tête le vénérable duc de Lancastre, prennent place au-dessous du roi, comme assesseurs. Le duc d’Aumerle, comme connétable et le duc de Surrey, comme maréchal, s’installent dans l’enceinte du champ clos dont la police leur est confiée. Une trompette sonne, une autre trompette lui répond. Et bientôt voici paraître, précédés chacun de son héraut, les deux magnifiques adversaires. Thomas Mowbray, duc de Norfolk, est sur un cheval bai que couvre un