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LA PATRIE.

du servage. Le roi a concédé à Wat-Tyler toutes ses demandes, puis l’a invité à une entrevue amiable, l’a fait assassiner par ses gens, et a rétracté toutes les concessions faites. — Un des oncles du roi, le duc de Glocester, prétendait imposer à la cour le contrôle du Parlement. Un jour, Richard est allé souper chez son oncle à la campagne de Plashy, puis, comme la nuit était venue, s’est fait accompagner par lui jusqu’au bord de la Tamise ; là des sbires, apostés par le maréchal duc de Norfolk, ont empoigné le duc de Glocester, l’ont jeté de force dans une barque et l’ont transporté à la forteresse de Calais. « Lors, raconte Froissart, quatre hommes, à ce ordonnez, lui gettérent une touaille au col, et l’estraignirent tellement, les deux d’un costé et les austres deux de l’autre, qu’ils l’abbâtirent à terre, et là l’estranglèrent et cloirent les yeux : et tout mort le portèrent sur un lict, et le despouillèrent et deschaussèrent et le couchèrent entre linceux, et mièrent son chef sur un oreiller, et le couvrirent de manteaux fourrez : et puis issirent de la chambre, et vindrent en la salle tous pourveus de ce qu’ils deuoient dire et faire, en disant telles paroles qu’une fausse maladie d’apoplexie estoit prise au duc de Glocester, en lauant ses mains et qu’à grand’peine on l’auait pu coucher. »

C’est au lendemain de ce meurtre que commence le drame de Shakespeare. Le poëte nous montre, dans une scène pathétique, la douleur d’Éléonore Bohun, veuve du duc assassiné. La duchesse conjure son beau-frère, Jean de Gand, de venger la mort de Glocester en châtiant les assassins. Jean de Gand résiste à ces supplications : selon lui, le roi, unique dispensateur de la justice, peut seul venger cette mort, et comment punirait-il un crime qu’il a ordonné ? Comment condamnerait-il les meurtriers dont il est lui-même le complice ? Il faut