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INTRODUCTION.

drame est sévère comme une tragédie d’Eschyle. La terreur et la pitié le remplissent seules de leur épique contraste. L’auteur n’a pas voulu atténuer par un mot bouffon la gravité majestueuse de sa leçon. Il s’agit bien d’amuser ce peuple asservi ! Il faut, avant tout, l’instruire. Quand on a le despotisme à renverser, est-ce le moment de rire ?

Le roi Richard n’est pas un usurpateur comme Macbeth ou comme le roi Jean. Pour parvenir au trône, il n’a assassiné personne. Son avènement n’a pas de vice originel. Il règne, non en vertu d’un crime, mais en raison de sa naissance. Fils unique du glorieux prince Noir qui était le fils aîné du victorieux Édouard III, il tient d’un titre incontesté la couronne des Plantagenets. La tradition de l’hérédité l’a fait souverain légitime. Sacré dès l’âge de onze ans, il a eu le sceptre pour hochet, habitué dès l’enfance à jouer avec les destins d’un grand royaume, Richard II est encore un jeune homme et est déjà un vieux tyran. Prodigue, dissipé, libertin, répugnant par sensualisme à l’âpre métier de la guerre, voluptueux et impitoyable, ingénieux à la débauche et à la cruauté, expert en divertissements et en piéges, épris de mascarades et de guet-apens, terrible et enjoué, Richard est, par excellence, le roi du bon plaisir. Exercer sans pitié son droit divin, exploiter sans réserve sa prérogative, tirer tout le profit possible de son royal domaine, employer pour ses besoins personnels les ressources de tous, extorquer à la nation la solde de ses dix mille gardes, torturer le peuple pour amuser sa cour, telle a été jusqu’ici sa politique. Et quand par hasard cette politique a rencontré des résistances, le roi les a savamment anéanties. — Wat-Tyler, à la tête de soixante mille insurgés, réclamait la diminution des taxes et l’abolition