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HENRI IV.


Entre Douglas : il se bat avec Falstaff qui s’affaisse à terre, comme s’il était mort, puis s’éloigne. Hotspur est blessé et tombe.
hotspur.

— Ô Harry ! tu m’as dérobé ma jeunesse ! — Mais ce qui m’affecte, c’est moins la perte de cette vie fragile — que les titres éclatants que tu as conquis sur moi. — Ils blessent ma pensée plus que tes coups d’épée ma chair… — Mais la pensée est l’esclave de la vie, et la vie est la marotte du Temps, — et le Temps, qui domine tout l’univers, — doit lui-même s’arrêter… Oh ! je pourrais prophétiser, — si la terreuse et froide main de la mort — ne pesait sur ma bouche… Non, Percy, tu n’es que poussière, — et qu’une pâture pour…

Il expire.
le prince henry.

— Pour les vers, brave Percy… Adieu, grand cœur ! — Ambition mal tramée, comme te voilà rétrécie ! — Quand ce corps contenait un esprit, — un royaume pour lui était un trop petit espace ; — mais maintenant, deux pas de la plus vile terre — lui sont une place suffisante… Cette terre qui te porte mort — ne porte pas vivant un aussi intrépide gentilhomme.

Se penchant sur le cadavre.

— Si tu étais encore sensible aux hommages, — je ne te donnerais pas une preuve si chère de dévotion : — mais permets que mes soins voilent ta face mutilée ; — je me glorifie d’observer en ton honneur — ces nobles rites de la tendresse. — Adieu ; n’emporte au ciel avec toi que des louanges ! — Que ton ignominie dorme avec toi dans la tombe, — et qu’elle ne soit pas rappelée dans ton épitaphe.

Il aperçoit Falstaff étendu par terre.

— Quoi ! une vieille connaissance ! Toute cette chair n’a donc pas pu — conserver un peu de vie ! Pauvre Jack, adieu ! — je me serais plus aisément séparé d’un meilleur