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HENRI IV.

cette bousculade civile dure, que nous achèterons les pucelages, comme on achète les gros clous, au cent.

falstaff.

Par la messe, enfant, tu dis vrai ; il est probable que nous ferons une bonne aubaine de ce côté-là ! Mais, dis-moi, Hal, est-ce que tu n’as pas une peur horrible ? Comme héritier présomptif, l’univers pouvait-il t’offrir trois ennemis pareils à ce démon de Douglas, à ce lutin de Percy et à ce diable de Glendower ? Est-ce que tu n’as pas une peur horrible ? Est-ce que ton sang n’en frissonne pas ?

le prince henry.

Pas du tout, ma foi ; il me faudrait un peu de ton instinct.

falstaff.

Ah ! tu vas être horriblement grondé demain, quand tu paraîtras devant ton père : si tu m’aimes, prépare au moins une réponse.

le prince henry.

Eh bien, joue le rôle de mon père, et examine ma conduite en détail.

falstaff.

Tu le veux ? J’y consens… Ce fauteuil sera mon trône, cette dague mon sceptre, et ce coussin ma couronne.

le prince henry.

Ton trône est une chaise percée ; ton sceptre d’or, une dague de plomb ; ta précieuse et riche couronne, un pitoyable crâne chauve !

falstaff.

N’importe ; si le feu de la grâce n’est pas tout à fait éteint en toi, tu vas être ému… Donnez-moi une coupe de Xérès, pour que j’aie les yeux rouges et que je sois censé avoir pleuré ; car il faut que je parle avec émotion, et je le ferai sur le ton du roi Cambyse (43).