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RICHARD II.

york, s’agenouillant.

— Et moi j’oppose à leurs instances ma loyale génuflexion. — Puisse-t-il t’arriver malheur, si tu fais grâce !

la duchesse.

— Est-ce qu’il parle sérieusement ? Regarde son visage, — ses yeux ne versent point de larmes, ses prières sont dérisoires, — ses paroles partent du bout des lèvres, les nôtres du fond du cœur ; — il ne prie que mollement et désire un refus : — nous, nous prions avec cœur, avec âme, avec tout notre être. — Ses jarrets fatigués se redresseraient volontiers, je le sais : — nos genoux resteront à terre jusqu’à ce qu’ils y prennent racine. — Ses prières sont pleines d’une menteuse hypocrisie ; — les nôtres, d’une ferveur vraie et d’une profonde sincérité. — Nos prières prient plus haut que les siennes ; qu’elles obtiennent donc — cette miséricorde que doivent obtenir les vraies prières !

bolingbroke.

— Bonne tante, relevez-vous.

la duchesse.

Non, ne dis pas encore : relevez-vous ! — Dis : je pardonne, avant de dire : relevez-vous. — Si j’avais été la nourrice chargée de t’apprendre à parler, — le mot pardon eût été le premier dit par toi. — Jamais je n’ai tant brûlé d’entendre un mot. — Roi, dis : je pardonne ; que la pitié te le fasse dire. — Le mot est court, mais moins court encore qu’il n’est doux : — pas de mot qui aille aussi bien à la bouche des rois !

york.

— Parle-leur en français, roi ; dis-leur : Pardonnez-moy.

la duchesse.

— Tu apprends au pardon à annuler le pardon ! — Ah ! mari cruel, seigneur endurci — qui places le mot à contre-sens du mot ! Ah ! parle de pardon dans l’idiome