Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
RICHARD II.

l’évêque de carlisle.

Ah ! à Dieu ne plaise ! — Mes paroles dussent-elles sembler mauvaises à ce royal auditoire, — il est bon qu’avant tout je dise la vérité. — Plût à Dieu qu’il y eût dans cette noble compagnie un homme — assez noble pour être le juge royal — du noble Richard ! Alors la vraie noblesse — lui apprendrait à s’abstenir d’une aussi affreuse iniquité. — Quel sujet peut prononcer une sentence sur son roi ? — Et, entre ceux qui siégent ici, qui n’est pas sujet de Richard ? — On ne juge pas les voleurs sans les entendre, — quelque évident que paraisse leur crime ; — et l’image de la majesté de Dieu, — son lieutenant, son intendant, son représentant élu, — l’oint du Seigneur, couronné, installé depuis maintes années, — sera jugé par une bouche sujette et inférieure, — sans être même présent ! Ne permettez pas, ô mon Dieu, — que, dans une région chrétienne, des âmes civilisées — donnent le spectacle d’un forfait aussi odieux, aussi noir, aussi infâme ! — C’est à des sujets que je parle, et que je parle en sujet, — enhardi par Dieu même à défendre son roi. — Milord de Hereford que voici, et que vous appelez roi, — est un félon, traître au roi de l’altier Hereford ! — Et si vous le couronnez, je vous prédis ceci : — le sang anglais engraissera la terre, — et les âges futurs gémiront de cet odieux forfait. — La paix ira dormir chez les Turcs et les infidèles ; — et, en ce séjour de la paix, des guerres tumultueuses — jetteront dans la mêlée famille contre famille, parents contre parents. — Le désordre, l’horreur, l’épouvante et la révolte — habiteront ici ; et ce pays sera appelé — le Golgotha des crânes humains ! — Oh ! si vous élevez cette maison contre cette maison, — ce sera la plus désastreuse anarchie — qui soit jamais tombée sur cette terre maudite. — Empêchez cela, résistez à cela, que cela ne soit pas ! — Les enfants de vos