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RICHARD II.

encore la couronne, — que les dissipations de sa frivole existence ont à jamais jetée bas.

premier serviteur.

— Comment ! vous croyez donc que le roi sera déposé ?

le jardinier.

— Il est déjà dominé ; et il est fort probable — qu’il sera déposé… Des lettres sont parvenues la nuit dernière — à un ami cher de ce bon duc d’York, — qui annoncent de sombres nouvelles.

la reine, sortant de sa cachette.

Oh ! j’étouffe ! — Il faut que je parle… Vieux spectre d’Adam, — toi dont l’état est de cultiver ce jardin, comment oses-tu — de ta voix rauque balbutier cette sinistre nouvelle ? — Quelle Ève, quel serpent t’a insinué — de répéter ainsi la chute de l’homme maudit ? — Pourquoi dis-tu que Richard est déposé ? — Être chétif, à peine au-dessus de la terre, tu oses — présager la chute du roi ! Dis-moi où, quand et comment — tu as su cette funeste nouvelle ? Parle, misérable.

le jardinier.

— Pardonnez-moi, madame. J’ai peu de joie — à murmurer cette nouvelle ; mais ce que je dis est vrai. — Le roi Richard est dans la puissante main — de Bolingbroke. Leurs deux fortunes sont pesées ; — dans le plateau de votre seigneur il n’y a que lui-même, — et quelques rares vanités qui le rendent encore plus léger ; — mais dans le bassin du grand Bolingbroke, — il y a, outre lui-même, tous les pairs d’Angleterre, — et grâce à cette surcharge, il l’emporte sur le roi Richard. — Courez à Londres, et vous vous en convaincrez ; — je ne dis que ce que chacun sait.

la reine.

— Rapide calamité dont la marche est si prompte, — n’est-ce pas moi que concerne ton message, — et je suis la