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SCÈNE X.

sous leurs flots argentés, — comme si l’univers entier allait se dissoudre en larmes, — telle déborde par-dessus toute limite la rage — de Bolingbroke, couvrant votre terre épouvantée — d’acier brillant et dur et de cœurs plus durs que l’acier. — Les barbes blanches arment leurs crânes minces et chauves — contre ta Majesté ; les enfants, s’évertuant à grossir — leurs voix de filles, — agitent leurs membres féminins — dans de roides et incommodes armures qu’ils traînent contre ta couronne ; — tes propres chapelins apprennent à bander l’if — doublement fatal de leurs arcs contre ton sceptre (14) ; — les femmes même, quittant leur quenouille, brandissent des hachettes rouillées — contre ton trône ; jeunes et vieux se révoltent, — et tout va plus mal encore que je ne puis dire.

richard.

— Tu ne dis que trop bien, trop bien, un si triste récit. — Où est le comte de Wiltshire ? où est Bagot ? — qu’est devenu Bushy ? — où est Green ? — qu’ils aient laissé ce dangereux ennemi — mesurer nos États par une marche si paisible ! — Si nous l’emportons, ils le paieront de leurs têtes ! — Je gage qu’ils ont fait leur paix avec Bolingbroke.

scroop.

— Effectivement, milord, ils ont fait leur paix avec lui.

richard.

— Ô scélérats ! vipères ! damnés sans rédemption ! — Chiens, prêts, au moindre signe, à ramper devant le premier venu ! — Serpents, réchauffés avec le sang de mon cœur, qui me percent le cœur ! — Trois Judas, dont chacun est trois fois pire que Judas ! — Ils ont fait leur paix ! Que le terrible enfer fasse la guerre — à leurs âmes souillées pour ce crime !