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SCÈNE V.

jean de gand.

— Non, non ; ce sont les vivants qui flattent ceux qui meurent.

richard.

— Mais toi qui es mourant, tu dis que tu me flattes.

jean de gand.

— Oh ! non, c’est toi qui te meurs, bien que je sois le plus malade.

richard.

— Je suis en pleine santé, je respire, et je te vois bien malade.

jean de gand.

— Ah ! celui qui m’a créé sait que je te vois bien malade : — la maladie que tu vois en moi, je la vois en toi. — Ton lit de mort, c’est ce vaste pays, — où tu languis dans l’agonie de ta renommée. — Et toi, trop insoucieux patient, — tu confies ta personne sacrée aux soins — des médecins mêmes qui ont fait ton mal. — Mille flatteurs siégent sous ta couronne, — dont le cercle n’est pas plus large que ta tête ; — et, si petite que soit cette cage, — leurs ravages ont toute l’étendue de ce royaume. — Oh ! si d’un regard prophétique ton aïeul avait — pu voir comment le fils de son fils ruinerait ses fils, — il aurait mis ton déshonneur hors de ta portée ; — il t’aurait dépossédé d’avance en te déposant, — plutôt que de te laisser, possédé que tu es, te déposer toi-même. — Oui, cousin, quand tu serais le maître du monde, — il y aurait déshonneur à affermer ce pays ; — mais quand tu ne possèdes au monde que l’Angleterre, — n’est-il pas plus que déshonorant de la déshonorer ainsi ? — Tu es un seigneur d’Angleterre, tu n’en est plus le roi : — ta puissance légale s’est asservie à la loi, — et…

richard.

Et toi, chétif esprit, imbécile lunatique, — tu te pré-