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RICHARD II.

d’haleine ; — car c’est en vain que les conseils parviennent à son oreille.

jean de gand.

— Oh ! mais on dit que la voix des mourants — commande l’attention, comme une profonde harmonie. — Quand les paroles sont rares, elles ne sont guère proférées en vain. — Car c’est la vérité que murmurent ceux qui murmurent leurs paroles à l’agonie. — Celui qui bientôt ne pourra plus rien dire est plus écouté — que ceux dont la jeunesse et la santé inspirent la causerie. — La fin des hommes est plus remarquée que toute leur vie passée. — Le coucher du soleil, le final d’une mélodie — (l’arrière-goût des douceurs en est toujours le plus doux) restent — gravés dans la mémoire plus que les choses antérieures. — Bien que Richard ait refusé d’écouter les conseils de ma vie, — son oreille peut ne pas être sourde à la triste parole de ma mort.

york.

— Non, elle est absorbée par les accents flatteurs, — par les louanges adressées à sa puissance, et puis — par des vers licencieux dont l’harmonie venimeuse — trouve toujours ouverte l’oreille de la jeunesse, — par le récit des modes de cette superbe Italie — dont notre nation, toujours tardive en ses singeries, — suit les manières en trébuchant dans une basse imitation ! — Survient-il dans le monde une vanité, — quelque vile qu’elle soit, pourvu qu’elle soit neuve, — vite on l’insinue à l’oreille royale ! — Aussi les conseils arrivent toujours trop tard, — là où la volonté se mutine contre l’empire de la raison. — Ne cherche pas à diriger celui qui veut lui-même choisir son chemin. — À peine te reste-t-il un souffle, et tu veux le perdre !

jean de gand.

— Il me semble que je suis un prophète subitement