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EXTRAIT DES HÉCATOMMITHI.

Et il commanda à Épitia de réciter ce dont elle se lamentait.

Elle narra par ordre toute l’histoire, et enfin, comme devant, elle demanda justice à l’empereur.

Juriste, ayant entendu l’accusation, voulut flatter la fille, disant :

— Je n’eusse jamais pensé que vous, que j’aime tant, fussiez venue m’accuser ainsi devant Sa Majesté.

Maximian ne permit pas que Juriste flattât la fille, et dit :

— Il n’est pas temps ici de faire le passionné : répondez à l’accusation d’Épitia contre vous.

Juriste, à l’heure, laissant ce qui lui pouvait nuire, dit :

— Il est vrai que j’ai fait trancher la tête au frère de celle-ci, pour avoir ravi et forcé une fille : ce que j’ai fait pour ne violer la sainteté des lois, et pour garder la justice, que Votre Majesté m’avait tant recommandée, sans laquelle offenser, il ne pouvait pas demeurer en vie.

En cet endroit Épitia dit :

— s’il vous semblait que la justice voulût ainsi, pour quoi me promettiez-vous de me le bailler en vie, et sous cette promesse, me donnant espérance que vous m’épouseriez, pourquoi m’avez-vous privée de ma virginité ? Si mon frère a mérité de sentir pour une faute seulement la sévérité de justice, vous l’avez mérité mieux que lui pour deux causes.

Juriste demeura en cet endroit comme muet.

À cette cause l’empereur dit :

— Pensez-vous que ce soit garder la justice que l’avoir ainsi offensée, voire quasi occise, usant de la plus grande ingratitude envers cette gentille jeune fille, que l’on ouït jamais parler avoir été pratiquée par aucun méchant ? Mais vous en trouverez marri et m’en croyez.

Juriste commença en cet endroit à crier merci : et Épitia, au contraire, à demander justice.