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APPENDICE.

Et si d’aventure vous ne pensez être tel que je vous désire, pour ce que tout homme n’est pas propre à toute chose, ne prenez pas cette charge, et demeurez plutôt ici à la cour, à vos charges accoutumées, qu’étant gouverneur de cette ville-là, m’induire à faire contre vous ce que, non sans grand déplaisir, il me conviendrait faire pour le devoir de justice, si vous me gardiez justice.

Et en cet endroit il se tut.

Juriste, beaucoup plus joyeux de l’office et charge, à laquelle l’empereur l’appelait, que connaissant soi-même, remercia son seigneur de cette amiable remontrance, et lui dit que, de soi-même, il était animé à la conservation de la justice, laquelle il garderait d’autant plus volontiers qu’il y était enflammé par les propos d’icelui : qu’il avait intention se porter si bien en ce gouvernement, que Sa Majesté aurait occasion de se louer.

Les propos de Juriste furent agréables à l’empereur, qui lui dit :

— Véritablement, aurai-je occasion de vous louer, si vos faits correspondent à vos paroles.

Et lui ayant fait bailler les lettres patentes, qui étaient déjà dépêchées, il l’envoya là.

Juriste commença à gouverner la ville assez prudemment, mettant toute peine de tenir la balance juste, aussi bien ès jugements qu’en la dispensation des offices, récompense des vertus et punition des méfaits. Il demeura longtemps, par ce moyen, encore en plus grand crédit envers l’empereur, et en l’amitié de tout le peuple, de manière qu’il se pouvait réputer heureux, entre les autres, s’il eût toujours continué à gouverner en cette manière.

Advint qu’un jeune homme de la ville, appelé Vico, força une jeune fille d’Inspruck : de quoi la plainte alla par-devant Juriste : lequel le fit prendre incontinent, et ayant confessé qu’il avait pris cette fille à force, il le con-