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SCÈNE IV.

cassius.

Eh bien, laissons-le en dehors.

casca.

— En effet, il n’est pas notre homme.

décius.

— Ne touchera-t-on qu’à César ?

cassius.

— Décius, la question est juste. Il n’est pas bon, je crois, — que Marc-Antoine, si chéri de César, — survive à César. Nous trouverons en lui — un rusé machinateur ; et, vous le savez, ses ressources, — s’il sait en tirer parti, seraient assez étendues — pour nous inquiéter tous. Afin d’empêcher cela, — qu’Antoine et César tombent ensemble (35) !

brutus.

— Notre conduite paraîtra trop sanguinaire, Caïus Cassius, — si, après avoir tranché la tête, nous hachons les membres ; — si nous laissons la furie du meurtre devenir de la cruauté : — car Antoine n’est qu’un membre de César. — Soyons des sacrificateurs, mais non des bouchers, Caïus. — Nous nous élevons tous contre l’esprit de César, — et dans l’esprit des hommes il n’y a pas de sang. — Oh ! si nous pouvions atteindre l’esprit de César, — sans déchirer César ! Mais, hélas ! pour cela il faut que César saigne. Aussi, doux amis, — tuons-le avec fermeté, mais non avec rage ; — découpons-le comme un mets digne des dieux, — mais ne le mutilons pas comme une carcasse bonne pour les chiens. — Et que nos cœurs fassent comme ces maîtres subtils — qui excitent leurs serviteurs à un acte de violence — et affectent ensuite de les réprimander. Ainsi — notre entreprise sera une œuvre de nécessité, et non de haine : — et, dès qu’elle paraîtra telle aux yeux de tous, — nous serons traités de purificateurs et non de meurtriers. — Et, quant à Marc-Antoine, ne pensez plus à lui : — car il ne