Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
354
JULES CÉSAR.

que vous déjouez les tyrans. — Ni tour de pierre, ni murs de bronze battu, — ni cachot privé d’air, ni massives chaînes de fer, — ne sauraient entraver la force de l’âme. — Une existence, fatiguée de ces barrières terrestres, — a toujours le pouvoir de s’affranchir. — Si je sais cela, le monde entier saura — que cette part de tyrannie que je supporte, — je puis la secouer à ma guise.

casca.

Je le puis aussi ! — Tout esclave porte dans sa propre main — le pouvoir de briser sa captivité.

cassius.

— Et pourquoi donc César serait-il un tyran ? — Pauvre homme ! je sais bien qu’il ne serait pas loup, — s’il ne voyait que les Romains sont des brebis. — Il ne serait pas lion, si les Romains n’étaient des biches. — Ceux qui veulent faire à la hâte un grand feu — l’allument avec de faibles brins de paille. Quelle ordure, — quel rebut, quel fumier est donc Rome pour n’être plus — que l’immonde combustible qui illumine — un être aussi vil que César ! Mais, ô douleur ! où m’as-tu conduit ? Je parle peut-être — devant un esclave volontaire : alors, je sais — que j’aurai à répondre de ceci. Mais je suis armé, — et les dangers me sont indifférents !

casca.

— Vous parlez à Casca, à un homme — qui n’est pas un délateur grimaçant. Prenez ma main : — formez une faction pour redresser tous ces griefs : — et je poserai mon pied aussi loin — que le plus avancé.

cassius.

C’est un marché conclu. — Sachez donc, Casca, que j’ai déjà engagé — plusieurs des plus magnanimes Romains — à tenter avec moi une entreprise, — pleine de glorieux périls. — Je sais qu’ils m’attendent en ce moment — sous le porche de Pompée : car, par cette effroyable nuit, — on ne