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TIMON D'ATHÈNES.

ces : — les chênes portent des châtaignes ; les ronces, des fruits écarlates ; — la généreuse ménagère Nature, à chaque buisson, — met le couvert devant vous. Besoigneux ! de quoi avez-vous besoin ?

premier bandit.

— Nous ne pouvons pas vivre d’herbe, de baies et d’eau, — comme les bestiaux, les oiseaux et les poissons.

timon.

— Vous ne pouvez même pas vivre de bestiaux, d’oiseaux et de poissons ; — il faut que vous mangiez des hommes. N’importe. Je vous sais gré — de professer le vol ouvertement, et de ne pas faire votre métier — sous des apparences plus édifiantes ; car le vol le plus effréné se pratique — dans les professions régulières. Voleurs éhontés, — voici de l’or. Allez, sucez le sang subtil de la grappe, — si bien que la fièvre chaude fasse fermenter le vôtre jusqu’à l’écume ; — et vous sauve du gibet ! Ne vous fiez pas au médecin : — ses antidotes sont du poison, et il tue — plus que vous ne volez. Prenez à la fois la bourse et la vie ; — exécutez le crime, comme vous faites profession de l’exécuter, — en hommes du métier. Je vous montrerai partout l’exemple du brigandage. — Le soleil est un voleur : par sa puissante attraction, — il dépouille la vaste mer. La lune est une voleuse effrontée : — elle soustrait sa pâle lumière au soleil. — L’Océan est un voleur : sa vague résout — en larmes amères les émanations de la lune. La terre est une voleuse — qui se nourrit et s’alimente du compost furtif — de tous les excréments. Tout vole (24). — Les lois, qui vous refrènent et vous flagellent, dans leur rude toute-puissance — exercent un brigandage impuni. Ne vous aimez pas les uns les autres ; allez, volez-vous réciproquement. Voici encore de l’or. Coupez les gorges : — tous ceux que vous rencontrez sont des voleurs. Allez à Athènes ; — enfoncez les boutiques : tout ce que vous déroberez, — des voleurs