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TIMON D'ATHÈNES.

furie (22) ; ours, tu serais tué par le cheval ; cheval, tu serais saisi par le léopard ; léopard, lu serais proche parent du lion et les marques même de ta parenté conspireraient contre ta vie (23) ; ton unique salut serait la fuite ; ta seule défense, l’absence. Quelle bête pourrais-tu être qui ne fût pas la proie d’une bête ? Et quelle bête tu es déjà de ne pas voir combien tu perdrais à la métamorphose !

apemantus.

Si tu pouvais me plaire en me parlant, pour le coup tu aurais réussi. La république d’Athènes est devenue une forêt de bêtes.

timon.

Eh quoi ! l’âne a-t-il franchi la muraille, que te voilà hors de la ville !

apemantus.

Voici venir un peintre et un poëte. Que la peste de leur compagnie fonde sur toi. J’ai peur de l’attraper et je me sauve. Quand je ne saurai que faire, je viendrai te revoir.

timon.

Quand il n’y aura plus que toi de vivant, tu seras le bienvenu. J’aimerais mieux être le chien d’un mendiant qu’Apemantus.

apemantus.

Tu es le prince de tous les fous vivants.

timon.

— Que n’es-tu assez propre pour qu’on crache sur toi !

apemantus.

— La peste soit de toi ! tu es au-dessous des malédictions.

timon.

— Tous les coquins sont purs auprès de toi.

apemantus.

— Il n’y a de lèpre que dans ta parole…