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TIMON D'ATHÈNES.

que réduit où, prodigue moi-même, — je lâchais la bonde à mes larmes.

timon.

Je t’en prie, assez !

flavius.

— Ciel ! disais-je, que ce seigneur est bon ! — Que de superflu des esclaves et des rustres — ont englouti cette nuit !… Qui n’est pas tout dévoué à Timon ? — qui n’offre pas son cœur, sa tête, son épée, sa force, son avoir au seigneur Timon, — à ce grand Timon, à ce noble, digne et royal Timon ?… Ah ! quand seront épuisés les fonds qui paient ces flatteries, — le souffle dont elles sont faites sera épuisé aussi. — Gagné à table, perdu à jeun ! Un nuage d’hiver amène la pluie, — et tous ces moustiques s’évanouissent.

timon.

Allons, ne me sermonne plus. — Mon cœur n’a jamais eu de honteuse générosité ; — j’ai donné imprudemment, jamais ignoblement. — Pourquoi pleures-tu ? manques-tu de confiance — au point de croire que je manquerai d’amis ? Rassure ton cœur ; — si je voulais puiser aux réservoirs de l’amitié, — et sonder par des emprunts le dévouement des cœurs, — je pourrais disposer des hommes et de leurs fortunes — comme je puis t’ordonner de parler.

flavius.

Puisse l’évidence bénir votre opinion !

timon.

— Et cette nécessité même où je suis est une élection auguste — que je regarde comme une bénédiction ; car, grâce à elle, — j’éprouverai mes amis. Vous verrez combien — vous vous méprenez sur ma fortune : je suis riche par mes amis… — Holà, quelqu’un ! Flaminius ! Servilius !