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SCÈNE II.

qui permet qu’on lui rende. — Si de plus grands que nous jouent ce jeu, n’ayons pas la présomption — de les imiter : les fautes des puissants sont toujours plausibles.

ventidius.

Noble esprit !

Tous les convives restent debout, regardant Timon d’un air cérémonieux.
timon.

Ah ! messeigneurs, la cérémonie — n’a été inventée — que pour jeter un lustre sur des actes superficiels, sur une creuse hospitalité, — sur une bienveillance hypocrite qui se repent avant de s’être manifestée. — Mais là où est l’amitié véritable, à quoi bon ? — Asseyez-vous, je vous prie. Vous êtes plus chers à ma fortune — qu’elle ne m’est chère elle-même.

Tous prennent place à table.
premier seigneur.

— Monseigneur, c’est ce que nous avons toujours confessé.

apemantus.

— Ho ! ho ! vous avez donc fait votre confession, pendards !

timon.

— Ah ! Apemantus !… vous êtes le bienvenu.

apemantus.

Non, — je n’entends pas être le bienvenu ici : — je viens pour que tu me jettes à la porte.

timon.

— Fi ! tu es un rustre ; tu as contracté là une humeur — qui ne sied pas à un homme, et c’est fort blâmable. — On dit, messeigneurs, ira furor brevis est, — mais cet homme-là est toujours en colère. — Allons, qu’on lui donne une table à part ; — car il n’aime pas la compagnie. — et il n’est vraiment pas fait pour elle.