Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
MESURE POUR MESURE.

parti ; — prêtez-moi vos genoux et je vous prêterai — toute ma vie à venir, oui, toute ma vie pour vous servir.

le duc.

— Tu la sollicites contre toute raison. — Si elle s’agenouillait par pitié pour ce forfait, — le spectre de son frère s’arracherait à son lit de pierre et l’enlèverait d’ici dans un élan d’horreur.

marianne.

Isabelle, — chère Isabelle, agenouillez-vous seulement près de moi ; — élevez les mains sans rien dire ; je parlerai seule… — On dit que les hommes les meilleurs sont pétris de défauts, — et que le plus souvent, après avoir eu quelque faiblesse, — ils n’en valent que mieux : il en peut être ainsi de mon mari ! — Ô Isabelle, ne me prêterez-vous pas un genou ?

le duc.

— Il meurt pour la mort de Claudio.

isabelle, s’agenouillant.

Magnanime seigneur, — veuillez agir envers ce condamné, — comme si mon frère vivait. Je crois presque — qu’une stricte sincérité a gouverné ses actions — jusqu’au jour où il m’a vue. Si cela est, — ne le faites pas mourir. Mon frère a été légalement frappé, — puisqu’il avait fait la chose pour laquelle il est mort. — Pour Angelo, — l’action n’a pas suivi la mauvaise intention, — elle doit donc être ensevelie dans l’oubli comme une intention — morte en route. Les pensées ne sont pas justiciables : — les intentions ne sont que des pensées.

marianne.

Que des pensées, monseigneur !

le duc.

— Votre prière est stérile… Debout, vous dis-je !… — Mais je me souviens d’une autre faute. — Prévôt, com-