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MESURE POUR MESURE.

le duc, désignant Marianne.

— Ce n’est pas là un témoin pour le seigneur Angelo.

marianne.

J’y arrive, monseigneur. — Celle qui accuse Angelo de fornication, — accuse mon mari de ce crime, — et au moment même où elle prétend qu’il l’a commis, monseigneur, — je suis prête à déposer qu’il était entre mes bras, — dans tous les épanchements de l’amour.

angelo.

Elle accuse donc un autre que moi ?

marianne.

— Nul autre que je sache.

le duc.

Nul autre ? Vous venez de dire, votre mari.

marianne.

— Eh ! justement, monseigneur, ce mari est Angelo — qui croit être sûr de ne m’avoir jamais possédée, — et qui est sûr, à ce qu’il croit, d’avoir possédé Isabelle.

angelo.

— Voilà une étrange aberration… Voyons ton visage.

marianne.

— Mon mari me l’ordonne, je vais me démasquer.

Elle se dévoile.

— Voici ce visage, cruel Angelo, — que tu juras jadis être digne d’un regard ; — voici cette main qui, par un contrat sacré, — fut rivée à la tienne ; voici la personne — qui s’est chargée de l’engagement d’Isabelle — et qui, dans ton pavillon, a rempli près de toi — son rôle.

le duc, à Angelo.

Connaissez-vous cette femme ?

lucio.

— Charnellement, comme elle le dit.