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SCÈNE XVII.

j’ai à dire — doit ou m’attirer un châtiment, si je ne suis pas crue, — ou arracher de vous une réparation. Écoutez-moi, oh ! écoutez-moi ici.

angelo.

— Monseigneur, sa raison, je le crains, n’est pas bien affermie : — elle m’a sollicité pour son frère, — frappé par l’arrêt de la justice.

isabelle.

Par l’arrêt de la justice !…

angelo.

— Et elle va tenir un langage bien amer et bien étrange.

isabelle.

— Un langage bien étrange, mais aussi bien vrai. — Qu’Angelo soit un parjure, n’est-ce pas étrange ? — Qu’Angelo soit un meurtrier, n’est-ce pas étrange ? — Qu’Angelo soit un larron adultère, — un hypocrite, un suborneur de vierges, — n’est-ce pas étrange et très-étrange ?

le duc.

Oui, dix fois étrange !

isabelle.

— Autant il est vrai que voici Angelo, — autant il l’est que ces étrangetés sont vraies. — Oui, elles sont dix fois vraies ; car la vérité est la vérité — jusqu’à la fin des nombres.

le duc.

Qu’on l’emmène ! Pauvre âme, — l’infirmité de sa raison la fait parler ainsi !

isabelle.

— Ô prince, je t’en conjure, si tu crois — qu’il est ailleurs un monde de consolation, — ne me rebute pas avec cette opinion — que je suis atteinte de folie ! Ne juge pas impossible — ce qui n’est qu’improbable. Il n’est pas impossible — que le plus mauvais gueux de cette terre — ait l’air aussi réservé, aussi grave, aussi scrupuleux, aussi ac-