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MESURE POUR MESURE.

dire — tant de bien de votre justice, que force est à notre âme — de vous désigner à la gratitude publique, — avant-courrière d’autres récompenses.

angelo.

Vous augmentez encore mes obligations.

le duc.

— Oh ! votre mérite parle haut, et je lui ferais injure — en le recelant dans les retranchements secrets de mon cœur, — quand il mérite pour résidence un monument de bronze — inaccessible à la morsure du temps — et à la rature de l’oubli. Donnez-moi votre main, — à la vue de mes sujets, pour que tous sachent bien — que cette courtoisie visible est la proclamation spontanée — de mon intime faveur… Venez, Escalus, — vous marcherez près de nous de l’autre côté… — J’ai en vous deux bons assesseurs.


Frère Pierre et Isabelle s’avancent.
frère pierre, à Isabelle.

— Voici le moment pour vous ; élevez la voix et agenouillez-vous devant lui.

isabelle.

— Justice, ô royal duc ! Abaissez votre regard — sur une fille… je voudrais dire une vierge, outragée ! — Ô digne prince, ne déshonorez pas vos yeux — en les détournant sur un autre objet — avant d’avoir entendu ma juste plainte — et de m’avoir fait justice ! justice, justice, justice !

le duc.

— Exposez vos griefs : outragée en quoi ? par qui ? Soyez brève. — Voici le seigneur Angelo qui vous fera justice : — révélez-vous à lui.

isabelle.

Ô digne duc ! — Vous me dites de réclamer du démon la rédemption. — Écoutez-moi vous-même ; car ce que