Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
MESURE POUR MESURE.

le clown.

Toute prête, monsieur.

bernardin.

Eh bien, Abhorson, qu’y a-t-il de nouveau ?

abhorson.

Vrai, monsieur, je vous invite à vous flanquer en prière, car, voyez-vous, l’ordre est arrivé.

bernardin.

Coquin, j’ai bu toute la nuit, je ne suis pas préparé pour ça.

le clown.

Oh ! tant mieux, monsieur : celui qui boit toute la nuit et est pendu de bon matin, n’en dort que plus profondément toute la journée.


Entre le duc.
abhorson, montrant le duc à Bernardin.

Tenez, monsieur, voici votre père spirituel qui vient. Croyez-vous que nous plaisantions, maintenant ?

le duc, à Bernardin.

Monsieur, mû par ma charité, à la nouvelle que vous alliez si vite partir, je suis venu vous conseiller, vous consoler, et prier avec vous.

bernardin.

Moi ? Fi donc, moine ! J’ai bu sec toute la nuit, et j’aurai du temps encore pour me préparer, ou il faudra qu’on me fasse sauter la cervelle à coups de bûche. Je ne consentirai pas à mourir aujourd’hui ; ça, c’est certain.

le duc.

Oh ! monsieur, il le faut : ainsi, je vous en conjure, songez au voyage que vous allez faire.

bernardin.

Je jure que personne au monde ne me décidera à mourir aujourd’hui.