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SCÈNE IX.

claudio.

Est-ce qu’il n’y a pas de remède ?

isabelle.

Aucun, si ce n’est un remède qui, pour sauver une tête, — briserait un cœur.

claudio.

En existe-t-il un ?

isabelle.

— Oui, frère, vous pouvez vivre. — Il y a dans votre juge une diabolique clémence — qui, si vous l’implorez, vous laissera la vie, — mais vous enchaînera jusqu’à la mort !

claudio.

Une prison perpétuelle ?

isabelle.

— Oui, justement, une prison perpétuelle, une réclusion — qui, eussiez-vous le monde entier pour vous mouvoir, — vous retiendra à la chaîne.

claudio.

Mais par quel moyen ?

isabelle.

— Par un moyen qui, si vous l’acceptez, — vous enlèvera l’écorce de l’honneur — et vous laissera nu.

claudio.

Explique-toi.

isabelle.

— Oh ! je me défie de toi, Claudio, et je tremble — que l’amour d’une existence fébrile — ne te fasse préférer six ou sept hivers — à un perpétuel honneur. As-tu le courage de mourir ? — La douleur de la mort est surtout dans l’appréhension ; — et le pauvre scarabée, sur lequel nous marchons, — subit, en souffrance corporelle, des angoisses aussi grandes — que le géant qui meurt !