Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
SCÈNE VIII.

le duc.

Persévérez. — Votre compagnon, à ce que j’apprends, doit mourir demain, — et je vais lui porter mes conseils… — La grâce soit avec vous ! Benedicite !

Il sort.
juliette.

— Il doit mourir demain… Ô loi cruelle — qui me laisse une vie dont la jouissance même — n’est qu’une horrible agonie !

le prévôt.

Que je le plains !

Ils sortent.

SCÈNE VIII.
[Dans le palais d’Angelo.]
angelo.

— Quand je veux prier et penser, mes pensées et mes prières — errent d’objet en objet ! Le ciel a de moi de creuses paroles, — tandis que mon imagination, n’écoutant pas ma langue, — est ancrée à Isabelle… Sur ma bouche le ciel — dont je ne fais que mâcher le nom, — et dans mon cœur le mal tenace et croissant — de ma passion ! Le gouvernement, qui faisait toute mon étude, est pour moi comme un bon livre qui, à force d’être relu, est devenu aride et fastidieux. Oui, ma gravité, — qui faisait mon orgueil (que personne ne m’entende !) — je pourrais l’échanger avec profit pour la plume futile — que l’air chasse comme un jouet. Ô dignité ! ô apparence ! — que de fois, grâce à ton enveloppe, à ton vêtement, — tu extorques la crainte des fous et enchaînes les Sages — à tes faux semblants ! Chair, tu es toujours la chair. — Mais écrivez le mot ange sur la corne du diable, — et elle n’est plus pour personne le cimier du démon !