Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 10.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
MESURE POUR MESURE.

le duc.

— Vous repentez-vous, belle enfant, du péché que vous portez ?

juliette.

— Oui, et j’en subis la honte avec une entière résignation.

le duc.

— Je vous enseignerai à faire votre examen de conscience — et à reconnaître si votre repentir est solide — ou creux.

jliette.

Je l’apprendrai volontiers.

le duc.

— Aimez-vous l’homme qui a fait votre malheur ?

juliette.

— Oui, comme j’aime la femme qui a fait le sien.

le duc.

— Ainsi donc, il paraît que votre acte si blâmable — a été commis d’un mutuel accord ?

juliette.

D’un mutuel accord.

le duc.

— Alors votre péché a été plus grave que le sien.

juliette.

— Je le confesse et m’en repens, mon père.

le duc.

— C’est bien, ma fille ; mais prenez garde que la cause de votre repentir — ne soit la honte que vous a attirée le péché ; — ce remords-là a pour objet nous-même et non le ciel : — il prouve que, si nous ménageons le ciel, ce n’est pas par amour pour lui, — mais par crainte…

juliette.

— Je me repens du péché, parce que c’est un mal, — et j’en recueille la honte avec joie.