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MESURE POUR MESURE.

lucio, entrant.

Salut, vierge, si vous l’êtes, comme les roses de ces joues — le proclament. Pourriez-vous me rendre le service — de me conduire en présence d’Isabelle, — une novice de ce couvent, la charmante sœur — de son malheureux frère Claudio ?

isabelle.

— Pourquoi son malheureux frère ? Excusez cette question, — d’autant plus, je dois maintenant vous le faire savoir, — que je suis cette Isabelle, sa sœur.

lucio.

— Gentille beauté, votre frère vous salue affectueusement. — Pour vous dire la chose en deux mots, il est en prison.

isabelle.

— Malheureuse que je suis ! Et pourquoi ?

lucio.

Pour ce dont, si j’avais pu être son juge, — il eût été puni par des remerciements : — il a fait un enfant à sa mie.

isabelle.

Monsieur, ne me contez pas de vos histoires.

lucio.

— C’est la vérité. Quoique ce soit mon péché familier — d’agir en étourneau et de badiner avec les filles, — ayant la langue fort loin du cœur, je ne voudrais pas jouer ce jeu avec toutes les vierges. — Je vous tiens pour une créature céleste et sacrée, — pour une âme immortalisée par le renoncement, — à qui l’on ne doit parler qu’avec sincérité, — comme à une sainte.

isabelle.

— Vous blasphémez le bien en vous moquant de moi.

lucio.

— Ne le croyez pas. Bref, voici la vérité : votre frère et son amante se sont embrassés : — par la raison que ce qui se nourrit se remplit et que la jachère nue — passe