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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE.
eussent inondé son aimable face de leurs flots envieux, — elle était la plus belle créature du monde, — et même encore elle n’est inférieure à aucune.
SLY.

— Suis-je un lord et ai-je pour femme une lady ? — Est-ce que je rêve ? ou bien ai-je rêvé jusqu’à présent ? — Je ne dors point ; je vois, j’entends, je parle ; — je sens de suaves parfums et je touche de molles choses. — Sur ma vie, je suis un lord en effet — et non un chaudronnier, et non Christophero Sly… — Allons, qu’on amène céans notre dame ; — et encore une fois, un pot de petite bière !

DEUXIÈME VALET.

— Votre Grandeur veut-elle se laver les mains ?

Les valets lui présentent une aiguière, un bassin et une serviette.

— Oh ! que nous sommes heureux de voir votre raison rétablie ! — si vous pouviez reconnaître, une fois pour toutes, qui vous êtes ! Depuis quinze ans plongé dans un rêve ; — et même en vous éveillant, vous restiez comme endormi.

SLY.

— Depuis quinze ans ! ma foi, c’est un joli somme. — Et je n’ai rien dit pendant tout ce temps-là ?

PREMIER VALET.

— Oh ! si, milord ; mais seulement des paroles extravagantes. — Quoique vous fussiez couché ici dans cette belle chambre, — vous prétendiez qu’on vous avait flanqué à la porte, — et vous déblatériez contre l’hôtesse du lieu, — et vous disiez que vous la citeriez en justice — pour vous avoir apporté des cruches de grès au lieu de bouteilles cachetées. — Quelquefois vous appeliez Cécile Hacket.

SLY.

— Oui, la servante du cabaret.