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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE.

LE LORD.

— Que le ciel délivre Votre Honneur de cette humeur fantasque ! — Oh ! se peut-il qu’un homme si puissant, de si grande naissance, — jouissant d’une telle fortune et d’une si haute considération, — soit possédé d’un si indigne esprit ? —

SLY.

Quoi, vous voulez donc me rendre fou ! Est-ce que je ne suis pas Christophe Sly, fils du vieux Sly de Bartonheath (5), colporteur par naissance, faiseur de cartes par éducation, par mutation montreur d’ours, et présentement chaudronnier par état ? Demandez à Marianne Hacket, la grasse aubergiste de Wilmecote (6), si elle ne me connaît pas ; si elle ne dit pas que je suis sur son compte pour quatorze deniers de pure ale, comptez-moi pour le plus fieffé menteur de la chrétienté. Voyons, je n’ai pas de délire ! Voici…

PREMIER VALET.

— Oh ! voilà ce qui désole milady !

DEUXIÈME VALET.

— Oh ! voilà ce qui accable vos serviteurs !

LE LORD.

— Voilà ce qui fait que vos parents fuient votre château, — dont ils sont comme repoussés par votre étrange égarement. — Oh ! noble lord, songe à ta naissance ; — rappelle à toi du bannissement tes anciennes idées, et bannis ces rêves abjects et dégradants. — Vois comme tes serviteurs s’empressent autour de toi, — tous prêts à ton premier signe à remplir leur office ! — Veux-tu de la musique ? Écoute !

La musique se fait entendre.

Apollon joue, — et vingt rossignols en cage chantent ! — Veux-tu dormir ? nous te déposerons sur une couche — plus molle et plus suave que le lit voluptueux —