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INTRODUCTION.

de l’âge. Nous ne pouvons pas aller contre la cause pour laquelle nous sommes nés. Aussi a-t-il fallu à toute force que nous fussions parjures. »

Ainsi l’avocat de l’amour a recours à cet argument irréfutable, la nécessité. Les vœux les plus solennels prononcés en dépit de nos instincts sont fatalement brisés. À quoi bon la rébellion humaine contre les règlements organiques de la création ? Que peut notre volonté naine contre les forces mystérieuse de la nature ? Arrêtez donc les oscillations de l’Océan d’un continent à l’autre ; arrêtez donc la marée du sang dans nos artères ! — Puissances terrestres, inclinez-vous devant la toute-puissance divine. Il y a des statuts suprêmes que vos édits ne rapporteront jamais. Vous avez beau être le pape infaillible et ouvrir avec les clefs de saint Pierre les cachots de l’inquisition, vous n’abrogerez jamais la loi qu’a découverte Galilée. Vous avez beau être reine d’Angleterre et châtelaine de la Tour de Londres : il est une loi que vous ne casserez pas, c’est celle qu’Harvey va proclamer.

Le despotisme, quand il veut régir la passion, n’est que ridicule. Vous défendez à ces jeunes gens de s’aimer, madame ? Eh ! commencez donc par interdire à leur cœur de battre.

Voilà ce que Shakespeare disait, par la voix éloquente de son personnage, à la fille des Tudors.

La comédie de Peines d’amour perdues fut jouée devant Son Altesse, le jour de Noël, en 1597. La reine écouta, impassible, la remontrance du poëte, et nul ne put dire tout d’abord quelle impression avait faite sur elle cette vaillante plaidoirie en faveur de l’amour.

Onze mois après cette représentation, en novembre 1598, Henry Wriothesly, comte de Southampton, voulut