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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE, ETC.

comme l’a conjecturé Malone, qu’elle avait été jouée, sous un autre titre, avant la fin du seizième siècle. Le publiciste Meres, dans un livre qui contient une foule de renseignements précieux sur la littérature au temps d’Élisabeth (Wit’s treasury), a donné la liste des pièces de Shakespeare déjà en vogue avant l’année 1598 ; et, parmi ces pièces, il en désigne une intitulée Love’s labours won (Peines d’amour gagnées) comme contre-partie à cette autre comédie du poëte Love’s labours lost (Peines d’amour perdues).

Aucune œuvre de Shakespeare ne nous étant parvenue sous ce nom, les commentateurs ont conjecturé avec toute apparence de raison que le titre indiqué par Meres, Peines d’amour gagnées, devait s’appliquer primitivement à quelque comédie du maître aujourd’hui connue sous un autre titre. Les critiques d’Angleterre et d’Allemagne ont recherché dans de longues et savantes dissertations, quelle pouvait être cette comédie. Les uns ont voulu que ce fût la Tempête ; les autres que ce fût Tout est bien qui finit bien. Coleridge a appuyé cette dernière conjecture de son immense autorité, et quiconque a fait une étude sérieuse des modifications du style de Shakespeare n’hésitera pas à partager l’opinion émise par l’illustre expert dans ses Literary remains. La Tempête appartient évidemment à la dernière époque shakespearienne ; Tout est bien qui finit bien appartient à cette période de transition qui commence à Roméo et Juliette et qui s’arrête à Othello.

Dès son enfance, Shakespeare avait pu connaître, par la traduction de Paynter, publiée en 1566, le conte de Boccace auquel il a emprunté la fable de sa comédie ; et il est infiniment probable qu’il céda, dès sa jeunesse, aux sollicitations de ce beau sujet. L’œuvre dut donc être composée et jouée avant 1598 ; et le laborieux triomphe obtenu par Hélène sur Bertrand justifiait fort bien ce titre primitif : Peine d’amour gagnées.

Tout est bien qui finit bien a été deux fois dérangé pour la scène anglaise pendant le dix-huitième siècle : la première fois, par un sieur Pilon, pour Haymarket-Théâtre ; la seconde, par Kemble, pour Drury-Lane.

(24) Ô Lord sir ! cette exclamation, paraît-il, était fort en vogue à la cour. Ben Jonson la ridiculise dans une de ses pièces les plus célèbres, Every Man out of his humour.

(25) Les idiots, en Angleterre, étaient sous la tutelle du roi, qui s’emparait de leur fortune et les faisait garder par un prévôt ou