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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE, ETC.

SANDER.

Oui, ça, c’est vrai.

LE TAILLEUR.

Et une manche bien large…

SANDER.

Çà, c’est un mensonge, maître, j’ai dit deux manches larges.

FERANDO.

C’est bien, monsieur. Continuez.

LE TAILLEUR.

Item, une robe à corsage ample.

SANDER.

— Maître, si j’ai jamais dit une robe à corsage ample, — qu’on me couse dans un lé, et qu’on me batte à mort — avec un peloton de fil brun !

LE TAILLEUR.

Je l’ai faite comme le devis l’indiquait.

SANDER.

Je dis que le devis en a menti par la gorge, et toi aussi, si tu dis ça.

LE TAILLEUR.

Allons, allons, ne vous échauffez pas tant, car je ne vous crains pas.

SANDER.

— Entends-tu, tailleur, tu as fait — bien des hommes superbes. Eh bien, ne fais pas le superbe avec moi. — Tu as toisé bien des hommes.

LE TAILLEUR.

Eh bien ?

SANDER.

— Ne me toise pas. Je ne veux pas être toisé ni bravé — par toi, je puis te le dire.

CATHERINE.

— Allons ! allons ! la façon m’en plaît assez… — Voilà plus d’embarras qu’il n’en faut… Je veux avoir cette robe, moi ; — et, si elle ne vous plaît pas, cachez vos yeux. — Je crois que je n’aurai rien, si j’attends votre consentement.

FERANDO, au Tailleur.

— Allons, je le repète, emporte-la et mets-la à la disposition de ton maître !

SANDER.

— Corbleu, maraud, ne t’en avise pas ! — Corbleu, mettre la robe de ma maîtresse à la disposition de ton maître !

FERANDO.

— Eh bien ! monsieur, quelle idée avez-vous donc ?

SANDER.

— J’ai une idée bien plus sérieuse que vous — ne pensez. Mettre la robe de ma maîtresse — à la disposition de son maître !

FERANDO.

— Tailleur, approche.

Bas.

Pour cette fois reprends-la ! — Va-t’en et je te récompenserai pour ta peine.