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LA SAUVAGE APPRIVOISÉE, ETC.
mon maître me maudira pour vous en avoir laissé — manger. Mais que diriez-vous d’un chapon gras ?
CATHERINE.

— C’est un repas de roi. Suave Sander, procure-m’en.

SANDER.

Non, par Notre-Dame ! C’est trop cher pour nous. Nous ne devons pas — nous adjuger le repas du roi.

CATHERINE.

— Arrière, drôle ! Te moques-tu de moi ? — Attrape ça pour ton impertinence.

Elle le bat.
SANDER.

— Tudieu !… Avez-vous la main aussi légère ? Peste ! — Je vous ferai jeûner deux jours pour ça.

CATHERINE.

— Je t’en avertis, drôle, je vais t’arracher la peau de la figure — et la manger, si tu me parles sur ce ton-là.

SANDER.

— Voici mon maître à présent. Il va vous tancer.

Entrent Ferando, portant un morceau de viande sur la pointe de sa dague, et Polidor.
FERANDO.

— Tiens, Cateau, j’ai fait des provisions pour toi. — Prends… Comment ? est-ce que cela ne mérite pas un remercîment ?

À Sander.

— Tiens, maraud, remporte ça… Vous serez — plus reconnaissante la prochaine fois.

CATHERINE.

— Eh bien, je vous remercie.

FERANDO.

— Non, maintenant votre remercîment ne vaut pas un fétu. — Allons, maraud, emporte ça, te dis-je.

SANDER,.

Oui, monsieur, j’obéis… Maître, ne lui donnez rien ; — car elle peut encore se battre, affamée comme elle est.

POLIDOR, à Ferando.

— Je vous en prie, monsieur, laissez cela ici, car je vais en manger moi-même avec elle.

FERANDO, à Sander.

— Eh bien, maraud, replace-le.

CATHERINE.

— Non, non ; je vous en prie, qu’il l’emporte, et gardez ça pour votre repas ; car je n’en veux pas, moi. — Je ne veux pas vous être obligée pour votre nourriture… — Je te le dis nettement à ta barbe, tu ne me traiteras pas, tu ne me nourriras pas à ta guise, — car je vais retourner chez mon père.