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PEINES D’AMOUR PERDUES.

ton maître. C’est pour toi, tirelire d’esprit, œuf de pigeon de discernement. Oh ! si les cieux avaient voulu que tu fusses seulement mon bâtard ! Quel père joyeux tu ferais de moi ! Ah ! l’esprit te va comme un gant ; tu en as jusqu’au bout des ongles.

HOLOPHERNE.

Ah ! je sens là du faux latin : comme un gant au lieu de cum ungue.

ARMADO, prenant à part Holopherne.

Homme ès-arts, prœambula… Séparons-nous des barbares… N’est-ce pas vous qui élevez la jeunesse à l’école gratuite qui est au haut de la montagne ?

HOLOPHERNE.

Vous voulez dire mons, la colline.

ARMADO.

Comme il vous plaira, va pour mons au lieu de montagne.

HOLOPHERNE.

C’est moi, sans contredit.

ARMADO.

Monsieur, c’est le très-gracieux plaisir et caprice du roi de congratuler la princesse à son pavillon, dans le postérieur du jour que la vile multitude appelle après-midi.

HOLOPHERNE.

Le postérieur du jour, très-généreux seigneur, est une expression fort bienséante, congrue et adéquate à l’après-midi. Le mot est bien trié, bien choisi, harmonieux et juste, je vous assure, monsieur, je vous assure.

ARMADO.

Monsieur, le roi est un noble gentilhomme, et mon intime, mon excellent ami, je vous assure. Je ne vous parlerai pas de la familiarité qui existe entre nous… « Pas de cérémonie, je t’en conjure… Couvre-toi le chef,