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SCÈNE VI.
ne voudriez pas vous parjurer, c’est une chose abominable ! — Quant à faire des sonnets, bâti ! c’est bon seulement pour des ménestrels ! — Quoi ! vous n’avez pas honte ? Non, vous n’avez pas honte, — vous trois, d’être ainsi attrapés !
Montrant du Maine à Longueville.

— Vous avez vu la paille dans son œil, et le roi l’a vue dans le vôtre ; — mais moi j’ai découvert la poutre dans l’œil de vous trois. — Oh ! à quoi ai-je assisté ! À quelle scène de folie, — de soupirs, de gémissements, de douleur, de désolation ! — Oh ! de quelle patience j’ai fait preuve, — pour voir si tranquillement un roi transformé en bourdon, — le grand Hercule pirouettant une ronde, — le profond Salomon entonnant une gigue, — Nestor jouant à la poussette avec les enfants, — et Timon le censeur s’amusant avec des joujoux ! — Où est ton mal, oh ! dis-moi, bon Du Maine ? — Où souffres-tu, gentil Longueville ? — Où souffre, mon roi ? Tous, dans la poitrine ! — Holà ! du gruau !

LE ROI.

Ta raillerie est trop amère. — Nous sommes-nous donc ainsi trahis sous tes yeux ?

BIRON.

— Ah ! ce n’est pas vous qui êtes trahis, c’est moi, — moi qui suis honnête, moi qui croirais pécher, — si je rompais le vœu auquel je me suis engagé. — Je suis trahi, pour m’être associé — avec des lunatiques, avec des hommes d’une si singulière inconstance ! — Quand donc me verrez-vous écrire une rime ? — ou geindre pour une Jeanneton ? ou dépenser une seule minute — à m’attifer ? Quand donc m’entendrez-vous — vanter une main, un pied, un visage, un regard, — un port, une prestance, un front, une gorge, une taille, — une jambe, un membre ?