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SCÈNE VI.

BIRON, à part.

Touché, par le ciel !… Poursuis, cher Cupido ! tu l’as frappé de ta flèche à moineau sous la mamelle gauche !… Bon ! des secrets !

LE ROI, lisant.

Le soleil d’or ne donne pas un baiser aussi doux
À la rose encore humide des pleurs de la fraîche aurore
Que ton regard, quand il darde ses frais rayons
Sur mes joues que la nuit inonde de rosée.

La lune d’argent ne brille pas à beaucoup près
À travers le sein transparent de l’onde
Autant que ta beauté luit à travers mes pleurs :
Elle resplendit dans tous ceux que je verse.

Chacune de mes larmes la porte comme un char
D’où elle domine triomphalement ma douleur.
Regarde seulement les pleurs qui gonflent mes yeux
Et tu y verras ta gloire à travers ma détresse.

Va ! ne réponds pas à mon amour, et tu pourras toujours
Te mirer dans mes larmes, en me faisant pleurer sans cesse.
Ô reine des reines, combien tu es sublime !
La pensée ne peut le concevoir ni la langue humaine le dire.

— Comment lui ferai-je connaître mes peines ? Je vais laisser choir ce papier. — Douces feuilles, prêtez votre ombre à ma folie… Qui vient ici ?

Il se cache derrière un arbre.
Entre Longueville, un papier à la main.
LE ROI.

— Eh quoi ! Longueville ! il lit !… Écoute, mon oreille !…

BRION, à part.

— Parais donc, nouveau fou à l’image de Biron !

LONGUEVILLE.

— Hélas ! je suis parjure.