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SCÈNE IV.

ARMADO.

Prends-tu mon amante pour un cheval de bois ?

PHALÈNE.

Non pas, maître. Le cheval de bois n’est qu’un étalon, et votre amante est peut-être une haquenée. Mais auriez-vous oublié votre amante ?

ARMADO.

Presque.

PHALÈNE.

Négligent écolier ! apprenez-la par cœur.

ARMADO.

Par cœur et de tout cœur, page.

PHALÈNE.

Et aussi à contre-cœur, mon maître. Je vais vous prouver les trois choses.

ARMADO.

Que prouveras-tu ?

PHALÈNE.

Que je suis un grand homme, et cela immédiatement par une déduction en trois points. Vous aimez votre belle par cœur, parce que votre cœur ne peut pas soupirer près d’elle ; vous l’aimez de tout cœur, parce que votre cœur est épris d’elle ; enfin vous l’aimez à contre-cœur parce que c’est pour vous un crève-cœur de ne pouvoir la posséder.

ARMADO.

Je suis dans ces trois cas.

PHALÈNE, à part.

Tu serais dans bien d’autres cas que tu n’en serais pas moins nul.

ARMADO.

Va me chercher le berger : il faut qu’il porte une lettre pour moi.