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PEINES D'AMOUR PERDUES.

BIRON.

Comme nous écouterions un oracle.

TROGNE.

Quelle simplicité a l’homme d’écouter la chair !

LE ROI, lisant.

« Grand député, vice-gérant du ciel et seul dominateur de la Navarre, dieu terrestre de mon âme, patron nourricier de mon corps…

TROGNE.

Pas encore question de Trogne !

LE ROI.

« Voici la chose…

TROGNE.

Soit ; mais ! quelle que soit la chose, s’il la dit, c’est un pas grand’chose.

LE ROI.

Paix !…

TROGNE.

À tout homme qui, comme moi, n’ose pas se battre !

LE ROI.

Silence !…

TROGNE.

Sur les secrets d’autrui, je vous en conjure !

LE ROI, reprenant.

« Voici la chose : assiégé par une mélancolie au champ de sable, j’ai voulu soumettre cette humeur noire à l’action salutaire de ton atmosphère vivifiante ; et, foi de gentilhomme, je me suis livré à la promenade. Quand, demanderas-tu ? Vers la sixième heure, au moment où les bestiaux paissent, où les oiseaux becquètent du meilleur appétit, et où les hommes s’attablent à cette collation qui s’appelle souper. Voilà pour le temps. Quant au terrain, j’entends le terrain où je me promenais, il se nomme ton parc. Quant au lieu,