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PEINES D'AMOUR PERDUES.
l’étude — et qui habituent nos âmes aux vaines jouissances.
BIRON.

— Ah ! toutes les jouissances sont vaines ; mais la plus vaine de toutes — est celle qui, acquise avec peine, ne rapporte que peine ; — c’est celle qui consiste à se morfondre péniblement sur un livre, — pour chercher la lumière de la vérité, tandis que la vérité — ne fait qu’aveugler le regard de son éclat perfide. — La lumière ici-bas se perd à chercher la lumière. — Avant que vous découvriez la lumière au milieu des ténèbres, — la lumière devient ténèbres pour vous par la perte de vos yeux. — Étudiez-vous plutôt à charmer votre regard, — en le fixant sur un œil plus doux, — qui, s’il vous éblouit, deviendra votre astre — et prêtera sa lumière à vos yeux aveuglés ! — L’étude est comme le glorieux soleil du ciel — qui ne veut pas être scruté par d’impudents regards. — Les piocheurs assidus n’ont guère gagné jamais — qu’une chétive autorité empruntée aux livres d’autrui. — Ces terrestres parrains des lumières du ciel, — qui donnent un nom à toutes les étoiles fixes, — ne profitent pas plus de leur clarté nocturne — que ceux qui se promènent en ignorant qui elles sont. À trop connaître, on ne parvient qu’à être connu, — et tout parrain peut vous faire donner un nom.

LE ROI.

— Quelle science il montre à raisonner contre la science !

DU MAINE.

— Excellent docteur pour entraver toute saine doctrine !

LONCUEVILLE.

— Il sarcle le bon grain et laisse croître ce qu’il faut sarcler.