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SCÈNE XII.

SCÈNE XII.
[Dans le château des comtes de Roussillon.]
Entrent la Comtesse et l’Intendant.
LA COMTESSE.

— Hélas ! pourquoi vous être chargé de cette lettre ? — Ne pouviez-vous deviner qu’elle ferait ce qu’elle a fait, — à cela seul qu’elle m’écrivait ? Relisez-la.

L’INTENDANT.

— « Je vais en pèlerinage à Saint-Jacques ; — un ambitieux amour m’a rendue à ce point pécheresse — que je veux me traîner, pieds nus, sur la froide terre — pour expier mes fautes par un saint vœu. — Écrivez, écrivez, pour que, quittant la sanglante carrière des armes, — mon maître chéri, votre cher fils, vous revienne au plus vite ! — Faites son bonheur dans la paix du foyer, tandis que, loin de lui, — je sanctifierai son nom avec une religieuse ferveur. — Dites-lui de me pardonner ses fatigues passées. — Junon acharnée, je l’ai envoyé, — loin d’une cour d’amis, camper au milieu de ses ennemis, — là où le danger et la mort aboient aux talons de la bravoure ! — Il est trop bon et trop beau pour moi et pour la mort, — pour la mort que je vais embrasser afin de le laisser libre ! »

LA COMTESSE.

— Ah ! que de traits poignants dans ses plus douces paroles ! — Rinaldo, vous n’avez jamais tant manqué de réflexion — qu’en la laissant partir ainsi ; si je lui avais parlé, — je l’aurais détournée de son projet, — ce qu’elle m’a ainsi rendu impossible.

L’INTENDANT.

Pardonnez-moi, madame ; — je n’avais qu’à vous re-