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SCÈNE III.
être mon frère ? — Je suis d’humble, lui d’illustre origine. — Mes parents ne sont pas notables, tous les siens sont nobles. — Il est mon maître, mon cher seigneur ; — je vis sa servante, et je mourrai sa vassale. — Il ne doit pas être mon frère !
LA COMTESSE.

Ni moi votre mère ?

HÉLÈNE.

— Vous êtes ma mère, madame ? Plût à Dieu — (pourvu que monseigneur, votre fils, ne fût pas mon frère) — que vous fussiez vraiment ma mère ! Si même vous étiez notre mère à tous deux, — ce serait pour moi un bonheur qui vaudrait le ciel, — pourvu que je ne fusse pas sa sœur ! Ne serait-il donc pas possible — que je fusse votre fille sans qu’il fût mon frère ?

LA COMTESSE.

Oui, Hélène, vous pourriez être ma belle-fille. — Dieu vous garde d’une telle pensée ! Ces noms de fille et de mère — agissent tant sur votre sang !… Quoi, toute pâle encore ! — mes soupçons ont surpris votre affection. Maintenant je pénètre — le secret de vos goûts solitaires et je découvre — la source de vos larmes amères. Maintenant il est d’une évidence grossière — que vous aimez mon fils… La dissimulation même a honte — de contester la proclamation de la passion — et de dire que tu ne l’aimes pas… Tiens ! tes joues — l’avouent cet amour, et tes yeux, — le voyant si clairement révélé dans toutes tes manières, — l’expriment aussi dans leur langage ; seule, une coupable — et infernale obstination enchaîne ta langue — pour empêcher que la vérité ne soit soupçonnée. Parle, cela est-il ? — Si cela est, dévide-nous ce bel écheveau ; — si cela n’est pas, jure que je me trompe… Dans tous les cas, je te somme, — au nom du