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SCÈNE II.
parler, et sa langue obéissait ponctuellement — au signal. Ceux qui étaient au-dessous de lui, — il les traitait comme des créatures d’un rang supérieur ; — il abaissait sa grandeur éminente à leur humble niveau, — les rendant fiers de son humilité — et s’humiliant devant les pauvres éloges. Voilà l’homme qui — devrait être le modèle de notre jeunesse ; — un tel exemple, bien suivi, lui prouverait que jusqu’ici — elle n’a fait que rétrograder.
BERTRAND.

Sire, son souvenir — est inscrit plus richement dans votre pensée que sur sa tombe ; — et son épitaphe est moins à sa gloire — que votre royal éloge.

LE ROI.

— Ah ! que ne suis-je avec lui ! Il avait coutume de dire… — (il me semble l’entendre encore ; il ne dispersait pas — ses sages paroles dans l’oreille, il les y greffait — pour y grandir et porter fruit) : Que je cesse de vivre… — ainsi intervenait souvent sa douce mélancolie — au dénoûment et à la suite de quelque plaisanterie… — Que je cesse de vivre, disait-il, — quand ma lampe n’aura plus d’huile, plutôt que de servir de lumignon à ces jeunes générations dont l’intelligence — dédaigne tout ce qui n’est pas nouveau, dont le jugement — se borne à engendrer une toilette, et dont la constance — expire avant la mode adoptée par elles ! Tel était son souhait ; — après et d’après lui, tel est aussi le mien. — Puisque je ne puis plus rapporter ni miel ni cire à la ruche, — il est grand temps que j’en sois emporté — pour faire place à d’autres travailleurs.

DEUXIÈME SEIGNEUR.

Vous êtes aimé, Sire ; — et les plus récalcitrants seraient les premiers à vous regretter.