Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
19
INTRODUCTION.

en effet les principaux incidents de la pièce signée Shakespeare : Ferando fait sa cour à Catherine juste comme Petruchio à Catharina ; il l’épouse avec la même humour grotesque ; il la dompte par les mêmes représailles ; il éconduit avec la même brutalité le mercier et le tailleur chargés de la parure de noces ; enfin, au dénoûment, il gagne de même le pari fait avec ses amis par la soumission exemplaire de sa femme. Dans toutes ces scènes, Shakespeare s’est contenté de broder le canevas primitif. Le prologue même, ce prologue exquis où le bonhomme Sly fait un si beau rêve, n’est que l’amplification du prologue de la pièce originale. Shakespeare est donc un plagiaire, allez-vous vous écrier ? Oui, si la pièce originale n’est pas de lui. Non, si elle est de lui.

Voilà la question. Comment la résoudre ? La vieille comédie est anonyme.

Les jurés de la critique anglaise ont longuement débattu ce procès, et, à l’exception de Pope qui a protesté, tous ont condamné Shakespeare sans l’entendre. Les uns l’ont déclaré coupable d’avoir volé Greene, les autres, d’avoir volé Marlowe, d’autres, d’avoir volé Peele. Mais où sont les preuves du vol ? elles n’existent pas. Au contraire, toutes les présomptions sont à la décharge de Shakespeare. Il est un fait qu’aucun critique ne conteste, c’est que le grand poëte anglais avait l’habitude de revoir et de remanier ses œuvres. Il a retouché Hamlet, et, fort heureusement pour sa mémoire, la première esquisse était signée de lui, sans quoi les experts anglais n’auraient pas manqué de l’attribuer à tout autre qu’à son véritable auteur. Il a refait le Roi Lear, et, par bonheur encore, l’éditeur, Nathaniel Butter, n’a pas oublié de mettre le nom du poëte en tête de l’in-quarto de 1608. Il a refait les Joyeuses épouses